Le dieu serpent fertile, gardien de l’arbre cosmique, et compagnon de la Déesse-Mère primordiale

De tous les animaux le serpent est bien le seul à n’avoir ni poils ni plumes, et l’absence de pattes l’oblige à onduler sur le sol, lieu où les deux mondes du ciel et de la terre se rencontrent. Mais il aime par-dessus tout se réfugier dans les couches profondes du monde inférieur dont il connaît tous les secrets. Le serpent était dans les temps anciens un symbole très puissant. Il était le symbole le plus répandu de la Déesse. Le serpent représente la régénération due au fait qu’il ne peut toujours renouveler sa peau. Le serpent a donc été considéré comme l’équivalent terrestre de la Lune. Les deux peuvent renouveler leur peau ou la forme. Le serpent est un symbole de la naissance, de la mort et de la renaissance. Un beau symbole de cela est l’image du serpent qui se mord la queue (Ouroboros).

L’énergie vitale de la sexualité

Primitivement, les grands dieux cosmiques ont toujours été représentés par des serpents voire un « serpent jumeau ». Les Chaldéens eurent le même mot aussi bien pour le serpent que pour la vie. Entre le serpent et la femme, il existe un lien très fort à travers la parabole du renouvellement de la peau et le renouvellement de l’utérus grâce à la menstruation. Dans d’autres cultures, le serpent symbolise le cordon ombilical, reliant tous les humains à la Mère-Terre. La Grande Déesse a donc souvent des serpents comme animaux familiers, comme dans la Crète Minoenne, et étaient eux aussi vénérés comme les gardiens des mystères de la naissance et de la régénération. Dans les religions abrahamiques, le serpent représente le désir sexuel. Selon la tradition rabbinique, dans le jardin d’Eden, le serpent représente la passion sexuelle. Dans l’hindouisme, la Kundalini est la déesse-serpent enroulée, elle est la « puissance résiduelle du désir pur », la Shakti, l’énergie féminine de la déesse-mère, qui lorsqu’elle part du sacrum et atteint le sommet du crâne, est un prélude à la délivrance des réincarnations, le Moksha.

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Le serpent païen de la luxure

Marguerite d’Antioche de Pisidie ou sainte Marine ou sainte Marina (morte vers 305) est une vierge martyre du ive siècle. C’est une sainte fêtée le 20 juillet.

Cette sainte légendaire est née à Antioche de Pisidie. Convertie au christianisme, elle fait vœu de virginité, repousse les avances du gouverneur romain Olybrius et refuse d’abjurer sa foi.

La légende veut qu’elle fut avalée par un monstre, dont elle transperça miraculeusement le ventre pour en sortir indemne au moyen d’une croix. C’est pourquoi on la représente généralement « hissée sur le dragon ». Le dragon symbolise le diable et le paganisme. Pour Jacques de Voragine dans la Légende dorée, elle l’aurait piétiné et vaincu ainsi. Son martyre se poursuit et elle meurt décapitée.

L’Eglise terrasse le dragon du matriarcat

C’est ici que saint Véran, évêque de Cavaillon, selon la légende, aurait réalisé son plus célèbre miracle en débarrassant la Sorgue d’un horrible drac ou dragon que l’on nomme encore Coulobre.

Ce Coulobre, dont on a voulu faire descendre le nom du latin coluber (couleuvre), était une créature ailée qui vivait dans l’exsurgence de la Sorgue. Elle passait pour s’unir avec des dragons qui l’abandonnaient ensuite, la forçant à élever seule les petites salamandres noires dont elle accouchait. Elle cherchait désespérément un nouvel époux et un père pour ses enfants mais sa laideur repoussait tous les prétendants.

On y voit, avec juste raison, le symbole de la lutte de l’évêque contre les anciens cultes. Le drac est en effet une divinité ligure des eaux tumultueuses et le coulobre doit son nom à deux racines celto-ligures : Kal : pierre, et Briga : colline. C’est la falaise dominant la fontaine où se trouve encore la Vache d’Or qui devait être le lieu d’un antique culte pastoral célébrant la force et la forme de l’eau et de la pierre.

Selon la légende, il chassa cette immonde bête dans les Alpes où elle s’en fut mourir. Le village de Saint-Véran aurait été son lieu de chute. Il est à signaler qu’en remontant le sentier qui mène vers la source, on croise encore le « Traou dou Couloubre ».

Pétrarque aurait été attaqué par l’une de ces créatures jalouses alors qu’il se trouvait au bord de l’eau avec sa Laure, sa bien-aimée : il tua lé monstre d’un coup d’épée mais Laure mourut ensuite de la peste.

Ouroboros : le temps cyclique menstruel

Par la naissance, la mort et le renouveau, la mythologie de la Déesse mère révèle une représentation cyclique du temps, où il n’y a ni commencement (création) ni fin, et non linéaire. Le temps cyclique c’est celui des saisons, avec le labourage, les semailles et les récoltes. L’hiver est le temps du repos afin d’accumuler les forces pour le réveil du printemps. Vouloir s’activer toute l’année sans discontinuité est antinaturel et néfaste pour l’homme. Car l’homme fait et fera toujours un avec la nature malgré ce que veulent lui faire croire les religions patriarcales. Ainsi, le dieu-serpent Apophis des anciens Égyptiens apparaît dans le Livre des Morts comme le grand régénérateur et initiateur du monde souterrain et solaire. Mais il ne va pas tarder à apparaître comme une puissance hostile, en déclenchant intempéries et raz-de-marée, tout comme le serpent Midgardorm des livres sacrés de l’Edda scandinave. En revanche, dans la Bible, le temps est représenté comme une « flèche » (la flèche du Temps), dressée du Commencement, la Création, jusqu’au Jugement dernier, avec l’avènement du Messie ou du Royaume de Dieu. La vision cyclique de l’Histoire est une vision païenne. Dans tous les mythes païens, le labyrinthe était le symbole de la vie cyclique, du devenir.

« Tout revient éternellement, mais avec une dimension nouvelle, parfaite contradiction de la ligne, de la conception unilinéaire du temps. » Jean Haudry, Le livre cosmique des Indo-européens.

En revanche la croyance dans le Dieu biblique, implique donc la croyance au progrès, et fait du Progrès, ce « désir d’avenir », un mythe.

« Ce mot magique [le Progrès] fait de l’avenir un but et un accomplissement et conduit à imaginer que le temps est le chemin de la perfection » Michel Lacroix, Peut-on encore croire au progrès ? (ouvrage collectif).

Les serpents des arbres sacrés de la Déesse

Dans de nombreux mythes, le serpent tellurique (parfois deux) vit autour d’un Arbre de la Vie, situé dans un jardin divin. Dans la Genèse, de la Torah et de l’Ancien Testament, l’arbre de la connaissance du bien et du mal est situé dans le jardin d’Eden, ensemble avec l’Arbre de Vie et le Serpent. L’arbre de vie est parfois rattaché à la Menorah (grand chandelier sacré) du temple de Jérusalem. Les chrétiens ont souvent assimilé la croix du Christ avec l’arbre de vie car, comme lui, elle donne vie à l’humanité.  Il donne la perpétuation de l’espèce. Il est à ne pas confondre avec l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Cet arbre est aussi mentionné plusieurs fois dans l’Apocalypse (Ap. 2,7 ; Ap. 22,14 ; Ap. 22,19).

Lire Ashérah-Ishtar, déesse-mère des hébreux, épouse de Baal-Yahvé, et Saint-Esprit du Ménorah

Le serpent gardien des pommes d’or de la Déesse

De même, dans la mythologie grecque, Ladon est enroulé autour d’un arbre dans le jardin des Hespérides, protégeant le pommier divin. Ladon (en grec ancien Λάδων / Ládôn) est un reptile imaginaire, fils d’Échidna et de Typhon, ou encore de Gaïa elle-même. Chargé par Héra (ancienne matriarche pré-olympienne) pour protéger les pommes d’or du jardin des Hespérides, il est tué par Héraclès lors d’un de ses douze travaux. Pour le remercier de ses loyaux services, Héra place sa dépouille dans le ciel, là où se trouve désormais la Constellation du Serpent. Le Serpent est une constellation ancienne, qui s’identifie soit au serpent qui révéla à Asclépios les secrets de la médecine, soit au serpent Python qu’Apollon tua dans sa jeunesse (voir plus bas), soit à Ladon quand Héraclès l’a tué. On retrouvera un culte des bosquets sacrés aux dieux-serpents dans le sud de l’Inde, chez les Nairs matriarcaux du Kérala (voir plus bas).

La pomme de l’arbre de vie : le pouvoir de la procréation

Croquer le fruit de l’Arbre de Vie représenté à côté de la Déesse à Sumer, en Crète, en Inde, chez les Celtes, c’est vouloir reprendre le divin pouvoir d’engendrement. Sur le même schéma, la Déesse Héra siégeait sous l’arbre aux pommes d’or du jardin des Hespérides où veillait son serpent Ladon que doit tuer Héraclès pour pouvoir cueillir les fruits. Ailleurs et ailé, le serpent-Dragon sera aussi éliminé par le Père, les saints n’étant pas en reste, de Michel à Georges en passant par Paul et Patrick. Les serpents sacrés gardés dans les temples égyptiens jouaient le rôle d’agents procréateurs du dieu. Chez les Grecs, les femmes stériles s’étendaient toute la nuit sur le sol du temple d’Asclépios, dans l’espoir d’être fécondées par le dieu sous la forme d’un serpent. Étaient-ce les esprits des morts qui surgissait de trous souterrains sous forme de serpents dans les cultes crétois, avant qu’Apollon détruise Python à Delphes ? Dans la mythologie celte, la pomme est le fruit de science, de magie et de révélation, Avallon est l’« îles aux femmes » où poussent les pommiers de l’éternelle jeunesse. Fruit de régénérescence en Scandinavie, il est sacré en Inde où il y donnait une eau de vie miraculeuse de quatre cents ans.

Lire Otto Gross par Michel Onfray : le Matriarcat, un paradis perdu ?

La femme à l’origine de la mort

Dans le Tanakh, un Serpent, doué de parole et résidant dans le jardin d’Éden, séduit la première femme, Ève, l’incitant à manger du Fruit défendu de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal, ce qui entraînera l’expulsion du jardin d’Eden, et vaudra au Serpent d’être maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, de marcher sur le ventre (il n’était donc pas apode), et manger de la poussière tous les jours de sa vie. De plus, sa postérité et celle de la femme se livreront une guerre constante, on lui écrasera la tête, il leur blessera le talon (Gen. 3:14-15).

« La femme est à l’origine du péché et c’est à cause d’elle que tous nous mourons ». Le Livre de l’Ecclésiastique ( in La Bible).

Le renversement du serpent divin

Pendant le patriarcat, le symbole original sacré du serpent se change en un monstre qui doit être anéanti. Le serpent ne parle qu’à Ève et non pas à Adam, le blâme pèse uniquement sur Ève. C’est la première fois dans l’histoire qu’a été créée l’inimitié entre le serpent et la femme.

  • Genèse 3:1 « De tous les animaux sauvages le Seigneur Dieu avait fait le serpent le plus malin».
  • Genèse 3:14« Dieu a sévèrement puni le serpent parce qu’il avait séduit Ève ».
  • Genèse 3:16 Alors l‘éternel Dieu dit au serpent: « Puisque tu as fait cet art, tu seras maudit entre tout le bétail, et au-dessus de toutes les bêtes des champs! Sur ton ventre tu marcheras, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie ».
  • Matthieu 10:16 « Souvenez-vous, je vous envoie comme des brebis parmi les loups. Soyez prudents comme un serpent, mais en préservant l’innocence d’une colombe. ».

Quand Dieu révèle la paternité à Adam

La Bible exprime très bien ce « renversement des valeurs ». Alors que le serpent est le symbole de la sagesse de la Mère, qu’il est l’emblème vital des religions cananéennes, rejetées par les Hébreux, la Bible va faire d’Ève l’alliée de Satan, du Mal. Ce n’est pas grâce au Serpent, mais par Yahvé, que l’homme, prenant  « connaissance » de son rôle dans la procréation, sort alors de sa torpeur et prend conscience que la déesse Mère est une « superstition », puisque sans le mâle la femelle est stérile. Il démonise alors le symbole de la Mère, le Serpent, ainsi que la femme en général.

Un symbole de la sagesse gnostique

Les ophites ou ophiens (du grec ὄφιανοι > ὄφις,serpent) sont une secte gnostique apparue en Syrie et Égypte vers l’an 100 de notre ère. Le point commun de ces sectes était de vouloir donner une large importance à la symbolique du serpent, Nahash, dans la lecture de la Genèse, et d’établir un lien entre la gnose et le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Contrastant avec l’interprétation chrétienne faisant du serpent l’incarnation de Satan les ophites voyaient dans le serpent un héros tandis qu’ils voyaient dans Elohim, le dieu qui créa et maudit Adam et Ève, un démiurge diabolique.

Le serpent représente aussi le sage et sa sagesse (voir le serpent sur la couronne d’Égypte). Irénée de Lyon mentionne ainsi les Ophites :

« Certains disent que c’est la Sagesse elle-même qui fut le serpent : c’est pour cette raison que celui-ci s’est dressé contre l’Auteur d’Adam et a donné aux hommes la gnose ; c’est aussi pour cela qu’il est dit que le serpent est le plus rusé de toutes les créatures. Il n’est pas jusqu’à la place de nos intestins, à travers lesquels s’achemine la nourriture, et jusqu’à leur configuration, qui ne ferait voir, cachée en nous, la substance génératrice de vie à forme de serpent. » (Adv. Haer. 1,30,15)

La gnose, le serpent de la Sagesse-Mère

Les ophites (ophis = serpent) vénéraient donc le Serpent, symbole de la Mère (Sophia), qui devait apporter la vérité à Adam et Ève, leur ouvrir les yeux grâce à la gnose afin qu’ils comprennent que ce Dieu qui se dit « suprême », n’est qu’un démiurge, usurpateur du pouvoir de la Mère. Mais le Dieu de la Bible, fou de colère, jeta le Serpent en bas des cieux et le maudit à jamais ainsi qu’Adam et Ève. Le symbole du serpent qui promet à Ève de lui donner le pouvoir de Dieu, c’est en fait le serviteur de la déesse qui tente de lui rendre son pouvoir usurpé par le Père. Comme Lilith, elle sera rejetée de l’Eden. Précisons qu’Adam et Ève n’ont pas été chassés du paradis parce qu’ils se seraient accouplés, puisque bien antérieurement, Yahvé leur avait enjoint de « croître et de multiplier ». Cette séquence sur la soudaine honte devant leur nudité relève de la pudeur excessive des hébreux en général et des rédacteurs de la Bible en particulier. Elle sera à l’origine du puritanisme, une « névrose judéo-christiano-musulmane », qui sévit encore.

Le Serpent Tellurique, compagnon de la Vierge Noire

Henri Vincenot (1912 – 1985), est un écrivain, peintre et sculpteur français. Il voit la vouivre comme un immense serpent souterrain qui correspond au courant tellurique terrestre dans son ouvrage Les étoiles de Compostelle. Selon lui, les Vierges Noires ont été vénérées comme des symboles astronomiques de ces courants d’énergie souterrains. Les lieux où l’on adorait les Vierges noires n’étaient pas choisis au hasard. Aux yeux des Celtes, la Terre était un organisme vivant, la Grande Mère, d’où procédait toute vie. Comme un corps, la Terre était nourrie par tout un réseau d’artères cachées sous sa surface. Le réseau terrestre était parcouru par une énergie impalpable. Cette énergie et les courants qui la portaient avaient un nom : c’était la Wouivre, le « serpent ».

Le pèlerinage de la Wouivre

Le menhir de la cathédrale Saint Julien du Mans

Les points de rencontre de plusieurs de ces artères devenaient des lieux sacrés, reconnus comme « centres d’énergie », aux propriétés bienfaisantes (santé, fertilité, guérison…). Tous ces points de rencontre étaient signalés, quelle que soit leur importance, par un menhir ou une statue sacrée. Les Vierges Noires marqueront les plus importants carrefours de la Wouivre. Dans certains lieux de culte chrétiens, il est encore possible de voir l’antique menhir qui marquait le pèlerinage païen. Souvent, l’autel même sur lequel se déroule la messe est fait de l’ancienne pierre sacrée.

Lire La Vierge Noire chrétienne, survivance d’un culte païen matriarcal (Isis – Artémis)

Glycon, l’oracle serpent de la fertilité

Glycon (ou Glykon) est une divinité-serpent romaine, oracle initialement adoré dans la ville d’Abonuteichos, en Paphlagonie (Anatolie), sous le règne d’Antonin le Pieux. Il provient probablement de Macédoine, où la vénération d’oracles-serpents était habituelle depuis des siècles. Les Macédoniens donnaient en effet aux serpents des pouvoirs en matière de fertilité, et avaient développé une mythologie riche à ce sujet (la fécondation d’Olympias par Zeus métamorphosé en serpent en est un exemple). Comme dans les cultes macédoniens antérieurs, la vénération du serpent concernait la fertilité. Les femmes stériles lui faisaient des offrandes afin de devenir enceintes. On le disait aussi protéger des épidémies. Certaines cultures considèrent que le déclenchement des règles est causé par la copulation avec un serpent surnaturel, qui rend la femme fertile et l’aide à concevoir des enfants.

L’oracle du serpent de la déesse

Les serpents figurent en bonne place dans les mythes grecs archaïques. Ophion (« le serpent », alias Ophioneus), aurait gouverné le monde avec la déesse Eurynomé, avant d’être destitué par Cronos et Rhéa. Eurynomé (en grec ancien Εὐρυνόμη / Eurunómê) est une divinité primordiale. Elle est considérée par la plupart des auteurs comme une Océanide, « fille d’Océan », une « Titanide ». En Grèce, les anciens oracles étaient consacrés à la déesse-mère. Les serpents étaient considérés comme les protecteurs des temples et les maîtres chthoniens de l’ancienne déesse-terre. Les oracles de la Grèce antique seraient les héritières du culte de la déesse cobra égyptienne Ouadjet. Wadjet eut un oracle célèbre dans la cité de Per-Wadjet (Buto est son nom grec). D’après Hérodote, c’est l’origine probable des traditions oraculaires qui se seraient répandu en Grèce depuis l’Egypte.

Les déesses protectrices du pharaon

Dans la mythologie égyptienne, Ouadjet (appelée également Bouto) est une déesse cobra originaire de la ville de Bouto dans nord du delta du Nil. Elle est la protectrice de la Basse-Égypte. Dans son rôle de protectrice du pharaon, elle est associée à la déesse vautour Nekhbet symbole de Haute-Égypte, et de la royauté du Sud. Elles forment ensemble le symbole redondant des deux terres (le nord et le sud) réunies au nom de pharaon. Elles étaient toutes deux présentes sur le diadème du roi.

Sur les parois des temples et des tombeaux, elle apparaissait sous les traits d’une femme portant la couronne rouge de Basse-Égypte. Nekhbet était alors représentée sous la forme d’une tête de vautour. Lors qu’elle était représentée sur les parois des temples ou des tombeaux, elle apparaissait sous les traits d’une femme portant la couronne blanche de Haute-Égypte, ou sous la forme d’un vautour étendant ses ailes protectrices. Toujours aux côtés de la déesse vautour Nekhbet, elles sont « les deux maîtresses » (ou « les deux dames ») introduisant le nom de Nebty, deuxième nom de la titulature des pharaons.

Ouadjet apparaît aussi, à la Basse époque, sous la forme d’une femme à tête léontocéphale, la la Grande Magicienne Ouret-Hékaou, dans une série de bronze de la XXVIe dynastie. La série est aussi composée de statues d’Horus, qui est ici considéré comme le fils de Ouadjet. L’œil d’Ouadjet ayant protégé Horus enfant, les mères égyptiennes le considéraient comme un talisman et le mettaient à leurs petits pour les protéger. Identifiée à l’Œil de Rê (Uræus), Ouadjet est représentée de deux manières : sous la forme d’un cobra dressé qui, au front du roi, menace de cracher le feu sur ses ennemis ; ou coiffée de la couronne rouge du Nord.

La déesse-serpent protectrice des moissons

Rénénoutet ou RêRenoutet (Le serpent nourricier) est une déesse agraire de la mythologie égyptienne. Sous la forme d’un cobra elle protège les récoltes et les greniers. Par extension elle est aussi la déesse des vignerons et des celliers, et veille sur les cuves et le raisin. Elle devint la patronne des tisserands. Elle a pour fils Nepri (ou Néper), « le grain ». Ainsi donc, les anciens Egyptiens honoraient Renenoutet, déesse-serpent chthonienne,  protectrice des moissons et des silos à grains, et préféraient confier la  préservation de leurs récoltes à des couleuvres plutôt qu’à des chats trop nonchalants à leur goût.

De la déesse de Knossos à Héraclès

La déesse minoenne aux serpents brandit un serpent dans chacune de ses mains, peut-être évoquant son rôle comme source de la sagesse, plutôt que maîtresse des animaux (Potnia theron), avec un léopard sous chaque bras. ce n’est pas par accident que plus tard, Héracles, un héros à la frontière entre l’ancien règne des titans et des déesses, et le nouveau règne olympien (patriarcat), brandissait aussi 2 serpents qui le « menaçaient » dans son berceau. Les grecs classiques n’ont pas perçu que cette menace était seulement la menace de la sagesse. Mais le geste est le même que celui de la déesse crétoise.

Lire Matriarcat minoen (Crète) : une société parfaite à l’origine de la civilisation européenne

Apollon tue le serpent Python, fils de Gaïa

Dans la mythologie grecque, Python (en grec ancien Πύθων / Pýthôn) est un serpent monstrueux, fils de Gaïa (la Terre), ou bien d’Héra selon les traditions. Sa filiation avec Gaïa montre qu’il s’agit aussi d’une ancienne divinité chthonienne. Python était le dragon souterrain de Delphes, qui était toujours représenté sur les vases et les sculptures sous les traits d’un serpent. Il veillait sur l’oracle de Delphes, consacré primitivement à Thémis (titanide) ou à sa mère Gaïa. Python était l’ennemi chthonien d’Apollon, qui l’assassina et vola son sanctuaire, la plus célèbre de la Grèce antique. Le dieu solaire le perça de ses traits, se rendant ainsi maître de l’oracle, depuis nommé « Pythie » ; et pour apaiser la colère de Gaïa, il créa les Jeux pythiques.

Typhon, le serpent chthonien ennemi des olympiens

Typhon (anagramme de Python) est l’ennemi des dieux olympiens. Il est décrit comme un immense monstre effroyable, avec une centaine de têtes et une centaine de serpents sortant de ses cuisses. Il fut vaincu et jeté dans les abysses du tartare par Zeus, ou enfermé sous l’Etna, où il cause des éruptions. Typhon incarne les forces chthoniennes volcaniques. Parmi les enfants qu’il a donné à Echnida, on retrouve Cerbère (un monstrueux chien à 3 têtes, avec un serpent en guise de queue, et une crinière de reptile), la Chimère à queue de serpent, l’Hydre de Lerne, un serpent d’eau chthonien, et Ladon, un dragon-serpent doté de 100 têtes. Ladon et l’Hydre furent terrassés par Héraclès.

Tiamat, la déesse-serpent, fondatrice de la civilisation sumérienne

Tiamat est une divinité mésopotamienne. Dans la mythologie babylonienne, Tiamat personnifie l’océan primordial, liquide amniotique où est né la vie. Son nom pourrait provenir du sumérien: ti (vie) et ama (mère), la Mère de la Vie. Elle est aussi et avant tout la mère de tout ce qui existe, incluant aussi les dieux eux-mêmes. « L’abîme » (en Hébreu « tehom ») au tout début de la Genèse est un terme dérivé de Tiamat. La Bible Genèse 1:2-3 semble contenir une vague trace de ce mythe babylonien : « ‘erets hayah tohuw bohuw choshek paniym tehwom, ruwach ‘elohiym rachaph `al paniym mayim », « La Terre était sans forme et l’obscurité était à la face de l’abîme, et le souffle de Dieu (Elohim = les Dieux ?) planait à la face des eaux « . Tehom signifie dans la Bible « Les profondeurs » ou « l’abîme ». Le mot est apparenté à la Tiamat babylonienne, la Déesse créatrice des Eaux Salées, qui avec son amant des eaux douces, Apsu/Abzu, créa le cosmos et engendra les premiers dieux Lahamu et Lahmu.

La genèse de Babylone raconte comment le dieu de la lumière Marduk tua Tiamat, la monstrueuse déesse de la mer, originellement la Vache Céleste (vaches sacrées de l’Inde), et fit de son corps divisé notre monde terrestre. Dans la mythologie sumérienne, la déesse créatrice Tiamat sortit des vagues de la mer d’Érythrée (le Golfe Persique actuel), sous la forme d’une “femme-poisson” et enseigna aux hommes les choses de la vie : “construire des cités, fonder des temples, élaborer des lois, en bref, leur apprit tout ce qui pouvait adoucir les moeurs et humaniser la vie”, comme le rapporte Bérose de Babylone au 4ème siècle A.C. “À partir de ce moment, [ses] instructions étaient tellement universelles que rien de concret n’y fut ajouté”, dit Polyhistor. On pense que cet événement se passait en 16 000 A.C. approximativement, mais une date beaucoup moins éloignée serait plus raisonnable.

Indra terrasse le serpent de la Déesse-Mère

La civilisation matriarcale de l’Indus était à forte tendance urbaine et ressemblait très peu à celle décrite dans les Vedas aryens, qui avait un caractère pastoral. Peu d’éléments d’une civilisation aussi manifestement urbaine (par exemple, les structures des temples, système de collecte des eaux usées) sont décrits dans les Vedas. Elle ignorait totalement le cheval, alors que cet animal est présent dans les Vedas. Une divinité de premier plan des Vedas est Indra, et c’est un dieu guerrier, or les hommes de l’Indus semblent avoir été plutôt pacifiques. On peut en déduire que les Indusiens et les gens qui ont rédigé les Vedas (les locuteurs du sanskrit) étaient deux peuples différents.  Il existe des mythes communs aux Indiens et aux autres peuples indo-européens, comme le mythe du serpent ou du dragon, Vritra dans les textes indiens, retenant les eaux ou avalant le soleil. Il est vaincu par un dieu armé de la foudre, Indra en Inde ou Péroun en Russie. Dans la religion védique, puis l’hindouisme, Vṛtrá est le démon de la sécheresse, de la résistance et de l’inertie. Il aurait empêché, avec l’aide de sa mère Danu, les eaux de s’écouler. Il avait la forme d’un serpent ou d’un dragon. Vṛtrá a été tué par Indra, ce qui a valu à ce dernier l’appellation de Vṛtráhan. Les Aryens vivaient sûrement en Bactriane (Afghanistan) avant de descendre vers l’Inde. Aux alentours du xxe siècle av. J.-C., il s’y trouvait une assez brillante civilisation de l’âge du bronze, or certaines caractéristiques la rattachent aux Vedas. Par exemple, on voit, sur des vases, des représentations de serpents installés sur des montagnes et contenant des soleils. C’est peut-être une illustration du mythe du serpent avaleur, Vritra, qui est rapporté dans les Vedas. En le tuant, Indra a libéré les eaux et a permis au soleil de monter au ciel.

La civilisation matriarcale de l’Indus (Harappa – Mohenjo Daro) : commerçante, égalitaire et pacifique

Thor terrasse le serpent de la Déesse et du Titan

Jörmungandr (parfois francisé en Jörmungand ou Iormungand) est dans la mythologie nordique un gigantesque serpent de mer, attesté dans des poèmes scaldiques et les Eddas rédigés entre les ixe et xiiie siècles. Selon l’Edda de Snorri, Il est le fils du dieu malin Loki et de la géante Angrboda, et le frère du loup Fenrir et de la déesse du monde des morts Hel. Encore jeune, Jörmungand est élevé dans le monde des géants, Jötunheim. Le dieu Odin jette Jörmungand dans la mer qui encercle Midgard, puisque les prophéties racontent qu’il causera de grands dégâts chez les dieux. Mais ce dernier grandit tellement qu’il finit par entourer le monde et se mordre la queue, d’où son autre nom, Miðgarðsormr, « serpent de Midgard ». Un serpent-monde sans nom est connu également dans les légendes populaires germaniques au Moyen Âge, en dehors de la Scandinavie. Les tremblements de terre étaient attribués à ses tortillements. Autrement, la lutte entre un dieu et un monstre se retrouve dans plusieurs mythologies indo-européennes, par exemple, les combats entre Indra et Vṛtrá, et Apollon et Python. Les combats de Thor contre Jörmungand, et du Christ contre Léviathan, se sont influencés mutuellement à la christianisation de la Scandinavie, comme l’attestent la croix de Gosforth qui mélange mythes païens et chrétiens, et l’équation linguistique entre le serpent de Midgard et le Léviathan dans les traductions islandaises tardives de textes chrétiens.

Paganisme matriarcal germain : la déesse-mère totémique face aux nouveaux dieux-pères aryens

La mère-titan de tous les monstres

Dans la mythologie grecque, Échidna (en grec ancien Ἔχιδνα / Ekhidna, « femelle vipère ») ou Delphyné (Δελφύνη / Delphúnê) était mi-femme mi-serpent, une draikana (dragon femelle), et connue comme « la mère de tous les monstres » de la mythologie grecque. Elle est la fille de Gaïa et de Tartare. Une autre tradition, d’origine orphique, en fait une puissance antique et immortelle, fille du dieu créateur Phanès et sœur de Nyx. Sa tête, son torse, ses bras sont ceux d’une belle femme. Pour le reste, c’est un énorme et affreux serpent (ἔχιδνα signifie « vipère »), recouvert d’écailles aux couleurs changeantes. Selon certains, elle fut tuée par Argos, le berger aux cent yeux, qui la trouva un jour endormie, et débarrassa ainsi l’Arcadie de ce fléau, mais Hésiode la qualifie de nymphe immortelle et rapporte qu’elle reçut à la naissance le mystérieux et souterrain pays des Arimes comme résidence attitrée, et que c’est là qu’elle s’unit à Typhon pour engendrer sa monstrueuse progéniture (Théogonie, v. 304/305).

Reine adultère de Libye, puis serpent mangeuse d’enfants

Dans la mythologie grecque, Lamia (Λάμια) était une belle reine de Libye, qui devint un démon mangeur d’enfants. Elle devint la maîtresse de Zeus (ou victime de ses viols), causant la jalousie de sa femme Hera, qui tua ses enfants et la transforma en un monstre. Lamia prit une apparence monstrueuse (buste de femme et corps de serpent) et se terra dans une caverne. Jalouse des autres mères, elle en sortait parfois pour dévorer un jeune enfant. D’après Antoninus Liberalis, Lamia terrorisait la région de Delphes, et exigeait qu’on lui sacrifie un enfant. Chez les anciens, le personnage de Lamia servait de croque-mitaine pour effrayer les enfants.

Athènes : le roi serpent instaure la filiation paternelle

Aux temps où « les fils ne connaissaient même pas leur propre père », la région de l’Attique était peuplée de confédérations tribales. Le roi Cécrops, né d’un dragon et de Gaïa (union forcée), mi-homme mi-serpent, unifia les tribus sous son autorité et fonda Athènes. Il est le premier à reconnaitre la descendance par le père, et imposa le mariage monogamique. Un jour, Athéna et Poséidon se disputèrent pour savoir qui sera la divinité tutélaire de la cité. Cécrops convoqua alors une assemblée de citoyens, à savoir les hommes et les femmes, car c’était alors la coutume d’admettre les femmes aux délibérations publiques. Les femmes votent en faveur d’Athéna et les hommes de Poséidon. Les femmes, plus nombreuses d’1 voix, font pencher la balance en faveur d’Athéna. Furieux, Poséidon submerge l’Attique sous les flots. Pour apaiser sa colère, les Athéniens imposent aux femmes 3 punitions :

  • les femmes n’auront plus le droit de vote
  • aucun enfant ne portera le nom de sa mère
  • les femmes ne seront plus appelées Athéniennes (statut d’esclaves).

La déesse Méduse transformée en monstre serpent par Athéna, la fille sans mère de Zeus

Méduse est une figure assimilable à la déesse-mère de Libye (berbères matriarcaux) qui a été transformée en créature monstrueuse dans la mythologie grecque. Hésiode raconte, dans sa Théogonie, qu’au départ, c’est une très belle jeune fille convoitée par Poséidon. Un jour, vint Athéna en Libye, afin d’instaurer par les armes le nouvel ordre des pères. Elle est la soldate envoyée par Zeus qui la procréa sans mère. Athéna spolia le temple de Méduse en l’accusant d’avoir forniqué dans le sien. Elle la transforma en femme-serpent. Ensuite, Athéna chargea le prince Persée de lui ramener sa tête, qu’elle exhibera désormais en trophée de guerre sur son bouclier.

Méduse, déesse-mère de Libye, déchue par Athéna, la vierge sans mère, fille de Zeus

L’esprit souterrain des ancêtres

Sur la péninsule ibérique, il y a de nombreuses preuves qu’avant l’introduction du christianisme, et probablement avant l’invasion des romains, le culte du serpent était important dans les religions autochtones. Aujourd’hui encore, on retrouve de nombreuses traces dans les croyances populaires, par exemple en Allemagne, où le respect du serpent semble être une survivance du culte des ancêtres, tel qu’on peut le retrouver chez les Zoulous d’Afrique du Sud ou d’autres tribus, tels les Haoussa du Niger ou les Punu du Gabon. Dans la Grèce antique, la coutume voulait que du lait soit répandu sur les tombes pour les âmes des défunts réincarnés en serpents. A Rome, l’esprit-gardien ou genius, était un serpent.

Le serpent-totem, ennemi de la virginité conjugale

Comme pour le mythe universel du dragon, il faut le terrasser pour accéder au mariage. Les reptiles apparaissent comme des gardiens protecteurs de l’ordre matriarcal.

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Bida (« boa » ou « python » en sarakholé) est un esprit ayant la forme d’un serpent géant qui apparaît dans une légende médiévale liée à l’histoire du royaume du Ouagadou, à l’origine de l’empire du Ghana. Bida protège le Ouagadou et la famille régnante des Cissé en échange du sacrifice annuel d’une belle jeune fille, jusqu’au moment où il est tué par un homme alors qu’il s’apprête à dévorer sa victime annuelle. La mort du serpent tutélaire est généralement employée par le récit pour expliquer le déclin du royaume. De nombreuses variantes de la légende existent selon les régions, les langues et les ethnies.

L’islam terrasse le serpent-totem anti-mariage

Le meurtre de Bida serait le symbole de l’abandon du culte des ancêtres et de l’adoption de l’islam par les Soninkés selon la tradition orale alors que le récit des voyageurs arabes (Al-Idrissi, Al-Bakri) impute la destruction du royaume par les forces almoravides venues du Maroc en 1076, suivi de l’émigration vers le sud de ceux qui souhaitent rester animistes.

Dans les variantes soninké et sarakholé, le meurtrier du serpent est nommé Mamadou (Mohamed) et il est le futur époux de la victime à sacrifier, qui se nomme Sia Isabéré. Pendant une longue période, les sacrifices sont dûment accomplis et le royaume prospère. Mais une année, c’est au tour d’une belle jeune fille, Sia Isabéré, d’être sacrifiée. Son futur époux, Mamadou, berger et guerrier qui a voyagé et est musulman, refuse de laisser Sia être sacrifiée. Au matin du sacrifice, il se poste non loin du repaire de Bida où est conduite Sia, et, lorsque le serpent sort pour la dévorer, il surgit de sa cachette et lui tranche la tête. Avant de mourir, le serpent profère une terrible malédiction contre le pays, en promettant sept années de sécheresse. L’histoire explique ainsi le dépérissement du royaume du Ouagadou, supplanté par l’empire du Ghana : la malédiction est à l’origine de la transformation du Sahara en désert, tandis que le personnage de Mamadou représente l’influence grandissante de l’islam. Les débris de la tête de Bida retombent dans le Bambouk et le Bouré et s’y changent en mines d’or qui font prospérer l’empire du Ghana par la suite.

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Le serpent-totem, compagnon de la reine-mère fondatrice

La naissance des règnes haoussa fut peut-être la conséquence de la migration vers le Sud de populations berbères, chassées de l’Aïr par les Touareg. Selon la légende, la région était gouvernée par la reine Daoura et infestée par le terrible serpent Sarki (animal totémique des Haoussa), qui empêchait aux gens de tirer l’eau des puits. Un homme au teint clair (un blanc ?) tua le serpent et épousa la reine. Il est devenu ainsi l' »ancêtre mythique » et ses descendants sont les fondateurs des sept règnes haoussa bokoi (purs), dont les rois s’appellent Sarki, du nom du serpent sacré. Les sept règnes bokoi sont: Dawra, Kano, Rano, Zaria, Gobir, Katsena, Biram. Selon le légende, ils furent fondés par la mythique reine Daoura et ses six fils. D’autres nobles haoussa fondèrent d’autres règnes « illégitimes » (banza), qui s’étendent vers le sud, vers la savane humide. La légende naquit au siècle X et réfléchit des influences culturelles orientales. On y voit le culte à l’ancêtre serpent changé, avec des nouveaux fétiches, et la substitution de la ligne de descendance masculine à celle matrilinéaire.

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Vaudou (diaspora africaine) : déesses aux serpents de la connaissance et de la fertilité

L’Afrique avait de nombreux esprits-serpents de l’eau avant les premiers contacts avec les européens et l’islam. La plupart sont femelles, et ont une nature duale, à la fois bonne et mauvaise, nourricière et destructrice, tout comme l’océan qui symbolise le liquide amniotique source de vie. Ces femmes-serpents protègent la maternité et sont les gardiennes des sciences occultes. Sous l’influence des religions patriarcales, elles ont souvent été diabolisées comme symbole de la luxure (sexe hors mariage) malgré un syncrétisme fréquent avec la religion des conquérants. Aujourd’hui encore, elles incarnent le pilier-totem de la famille matrilinéaire, comme notre fée européenne Mélusine, sont à l’origine de nombreuses lignées familiales prestigieuses.

Vaudou (diaspora africaine) : déesses aux serpents de la connaissance et de la fertilité

Sugaar, l’amant serpent de la déesse-mère des Basques

Sugaar (autres noms : SugarSugoiMaju) est la partie mâle d’une déité pré-chrétienne basque associée aux orages et à la foudre. Contrairement à son amante Mari, il subsiste peu de légendes à son propos. L’essentiel de son existence est de se joindre périodiquement (le vendredi, à deux heures de l’après-midi) à Mari dans les montagnes pour y générer des orages. On peut présumer qu’il est associé au ciel. Il est en général représenté par un dragon ou un serpent.

Le nom de Sugaar ou Sugar semble dériver de la réunion des mots suge (serpent) et ar (mâle), signifiant par conséquent serpent mâle. Cependant, il peut être aussi formé par une agglutination des mots su (feu) + gar (flamme), signifiant dans ce cas flamme du feu.

Paganisme matriarcal basque : origines de la sorcellerie chez les derniers païens d’Europe

Sugaar est habituellement représenté sous la forme d’un serpent, symbole phallique probable, inscrit dans un lauburu (litt. quatre têtes) une sorte de croix gammée. La recherche sur la symbolique originelle amène à une période antérieure à la christianisation de la contrée, qui fut longue et chaotique, étant donnée la configuration encaissée du relief pyrénéen et conservatrice des populations rurales. Suivant les auteurs, le symbole fait référence au cycle de la vie, à la rotation du soleil, du ciel et de la terre.

Mélusine, déesse-serpent des mégalithes, à l’avènement du patriarcat

La légende celtique de la fée Mélusine témoigne du bouleversement de société qui s’opère à cette époque reculée : celui du passage du droit de la mère, au droit du père, par l’invention du mariage et de son objectif, la reconnaissance de paternité. Cette transition violente du matriarcat primordial au patriarcat des conquérants aryens se devine à travers une lecture initiatique de ce mythe fondateur des plus prestigieuses lignées des familles nobles d’Europe.

 Mélusine et Présine, ou le tabou de la maternité et du sang féminin

La femme-serpent, une divinité pré-chrétienne ?

Gwenc’hlan Le Scouëzec dans son Dictionnaire de la Tradition Bretonne parle de la Grande déesse adorée sous forme de femme serpente ou anguille. En Armorique ce culte a été important, à Sizun (Finistère) par exemple, 5 sculptures au total sont dans l’enclos paroissial (église et ossuaire), ce qui fait peut-être de Sizun un sanctuaire important de cette déesse serpente ou poisson.

Dans la Rome antique, Angita (ou Angitia) était la déesse de la guérison et de la sorcellerie. Angitia était une déesse serpent. Du fait que les serpents étaient souvent associés avec les arts de la guérison dans l’ancienne mythologie romaine (même aujourd’hui, cf: signe des pharmacies), on pense donc qu’Angitia était principalement une déesse de la guérison. Elle avait des pouvoirs de sorcellerie et était maîtresse dans l’art des guérisons miraculeuses et herbales, en particulier lorsqu’il s’agissait de morsures de serpents. On lui attribuait aussi une grande variété de pouvoirs sur les serpents, en y incluant le pouvoir de tuer les serpents avec un seul toucher. Elle était toute particulièrement vénérée par les Marses, un peuple du centre de l’Italie. Ils sont réputés pour leurs charmes et leur sorcellerie. Vaincus par les Romains à la fin du ive siècle av. J.-C., ils se latinisent ensuite.

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En Chine, les dieux-serpents créent l’humanité, la civilisation, et le mariage

Fuxi et Nuwa sont des divinités mineures du panthéon taoïste chinois. Frère et sœur, ils sont mi-humains mi-serpents. Ils créèrent la deuxième humanité (patriarcale), la civilisation (patriarcale), et le mariage (patriarcal) après que le Grand Déluge eut détruit la première humanité sauvage (matriarcale) qui ne connaissait pas la reconnaissance de paternité. Il est fort probable que le patriarcat confucianiste ai déformé le mythe originel de Nuwa, en lui attribuant l’invention de l’instrument d’asservissement du patriarcat, l’institution du mariage; et en qualifiant son duo utérin avec son frère Fuxi de « mariage ». Dans la famille matriarcale, ce n’est pas parce que l’oncle maternel élève ses neveux qu’il en est le géniteur. Dans la Chine ancienne, certains dieux des rivières étaient représentés sous la forme d’une sorte de serpent, ou d’un être reptilien. En Eurasie, les fleuves sont considérés comme des serpents géants, et ces fleuves-dieux comme le Tibre en Italie sont appelés Ophis ou encore Draco pour le Père Rhin.

Nuwa, la déesse-mère des chinois, Fuxi, son frère-époux civilisateur, inventeurs du mariage

Serpents-totems chez le dernier peuple matriarcal (Chine)

Dans le Yunnan, chez les Moso, dernier peuple sans père ni mari, et encore d’avantage chez leurs cousins Naxi, le culte des serpents-totems, appelés Ssù, est resté vivace. Bien que très proche du culte des Naga, par l’influence de l’hindouisme qui a transité par le bouddhisme tibétain, il garde de nombreuses caractéristiques archaïques, comme chez les Nairs matriarcaux du Kérala, dans le sud de l’Inde. Le culte des serpents n’y est jamais mélangé avec le bouddhisme, il est préservé à l’écart des autres cultes locaux (Dongba, Bön…), comme une relique d’une période antérieure. Chaque clan matrilinéaire est protégé par un animal totem, dont le bas du corps est un serpent. Les serpents totems sont gouvernés par un grand dieu de la nature, mi-homme mi-serpent, appelé Shugu. Il est le gardien d’une source sacrée qui coule aux pieds d’un arbre sacré, près du mont Youlong (le Dragon de Jade, 5600 m), dans le village de l’Eau de Jade (chinois: 玉水寨; pinyin: Yù Shuǐ Zhài), où sa statue géante bénéficie de nombreuses cérémonies en son honneur. Généralement bienveillant, il peut cependant se courroucer et punir avec des catastrophes naturelles, lorsqu’on ne prend pas soin de l’environnement.

Matriarcat Moso (Chine) : sans père ni mari, mais pas sans oncles, le paradis de la déesse-mère Gemu

Culte des déesses-serpents en Corée

Dans la mythologie coréenne, Eobshin, la déesse de la santé, comme un serpent noir avec des oreilles. Dans l’île de Jeju, la déesse Chilseong et ses 7 filles sont des serpents. Ces déesses sont les divinités des vergers, des cours royales, etc. Selon le Jeju Pungtorok, « Les gens ont peur des serpents, ils le vénèrent comme un dieu. Quand ils voient un serpent, ils le considèrent comme une grande divinité, ne le tuent pas et ne le chassent pas. »

Matriarcat Mudang (Corée) : les femmes chamanes au service des déesses-serpents

La dynastie guerrière des dieux-serpents fertiles

Les Naïrs du Kérala et les Tulu Bunts du Karnataka, deux ethnies matrilinéaires du sud de l’Inde, vénèrent toujours ces reptiles. Les serpents y sont considérés comme un symbole de fertilité. Les Naïrs étaient organisés en de nombreux clans guerriers, tels les Nambiar ou les Kiryathil. Les clans guerriers Naïrs et Bunts du Tulu Nadu disent descendre des Nagvanshi, la dynastie des serpents. Chaque maison-clan dispose de son bosquet sacré où sont vénérés les serpents-totems protecteurs du clan. Chaque village avait aussi son esprit protecteur, en général une déesse. De nombreux et immenses temples ancestraux sont dédiés aux déesses et à leurs serpents, où les femmes viennent demander un enfant, et les remercient en cas de succès.

Matriarcat Nair (Inde) : la caste guerrière du dieu-serpent fertile, compagnon de la déesse-mère

Australie : le Serpent-Arc-en-ciel, compagnon de la déesse-mère

La majorité des sociétés aborigènes sont très patriarcales, et ce, depuis bien avant l’arrivée des colons blancs et des missionnaires chrétiens. Cependant, leur mythologie, et de nombreux vestiges coutumiers témoignent d’une ère matriarcale encore inscrite dans leur mémoire collective. Le dieu-serpent créa l’univers, puis son amie, la déesse Kunapipi donna naissance à l’humanité. Il est encore le dieu de la pluie et de la fertilité. Ses plus anciennes représentations rupestres ont plus de 6000 ans. Aujourd’hui encore, les aborigènes se saignent rituellement le pénis pour imiter les menstrues, le pouvoir de procréation des femmes. Cette coutume démontre les origines réelles de la circoncision que l’on retrouve principalement chez les juifs et les musulmans.

Hopi d’Arizona : prêtres-serpent d’oncle à neveu maternel

Parmi les indiens Hopi d’Arizona, le serpent est une figure centrale des danses sacrées. Le statut de prêtre-serpent se transmet uniquement d’oncle à neveu maternel. Les serpents sont des symboles de fertilité. Chaque année, les Hopi pratiquent la danse du serpent pour célébrer l’union du Serpent Jeunesse (un esprit du ciel), et de la Fille Serpent (un esprit souterrain), pour renouveler la fertilité de la nature. Pendant la danse, des serpents vivants sont maintenus dans chaque main, et à la fin, les serpents sont relâchés dans les champs, afin de garantir de bonnes récoltes. « La danse des serpents est une prière pour les esprits des nuages, du tonnerre et de la foudre, pour que la pluie tombe sur les récoltes en croissance ».

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Culte du serpent dans l’Amérique précolombienne

Le crotale était vénéré dans le temple du soleil des indiens Natchez. Les indiens bâtisseurs de tumulus du Mississippi accordaient une grande valeur mystique au serpent, ainsi que nous le montre les vestiges aujourd’hui visibles du grand-serpent-tumulus.

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Le serpent à plumes agricole, union de la terre et du ciel

Le serpent à plumes est une divinité dont le culte était très répandu en Mésoamérique. Les plus anciennes représentations iconographiques de cette divinité datent du début de la période classique, vers 150 après J.-C. Son culte trouve ses origines à l’époque préclassique, vers 1200 avant J.-C., dans celui du serpent aquatique chez les Olmèques.

Le plus ancien et le plus immuable des aspects symboliques du serpent à plumes semble être de nature agricole. En effet, de cette ancienne époque jusqu’à aujourd’hui, les peuples indigènes l’ont associé au cycle de croissance du maïs, comparant les feuilles vertes de la plante à des plumes de l’oiseau quetzal et les épis à des écailles de serpent. Comme souvent dans la pensée mésoaméricaine, le symbolisme du serpent à plumes est imprégné de dualisme : il est à la fois rattaché à la terre, par le serpent, et au ciel, par les plumes de l’oiseau. Il est également associé à Vénus.

Le serpent vision, médiateur de l’au-delà

Quetzalcóatl, le Serpent-à-plumes, était la divinité centrale du peuple patriarcal Aztèque. Serait-il un souvenir de l’ère matriarcale disparue ? Dans de nombreuses cultures mésoaméricaines, le serpent est vu comme un portail entre deux mondes. Le serpent-vision est une importante créature de la mythologie maya qui avait pour fonction de relier le monde physique au monde surnaturel des esprits et des divinités : les Mayas croyaient que l’invocation du serpent-vision permettait, par l’auto-sacrifice, d’entrer en contact avec l’esprit des ancêtres. Les tribus du Perou auraient adoré un grand serpent avant l’ère Inca. Au Chili, les indiens Mapuche évoquent la figure d’un serpent lors du Grand Déluge.

Matriarcat Mapuche (Argentine) : des femmes chamanes résistantes au mondialisme